Désoccidentalisation ? De la gouvernance néo-libérale dans Russie en guerre

23 novembre 2025

Le 10 novembre 2025, une nouvelle directive du ministre de la Défense russe Andreï Belooussov a instauré un classement [rating] des régions russes en fonction de la qualité du soutien qu’elles apportent aux participants de l’opération militaire spéciale en mesurant les instruments numériques de l’accès aux aides sociales. Cette mesure reflète la volonté de l’État russe de « disposer de meilleurs instruments de mesure qualitative sur l’aide sociale aux combattants et à leurs familles », prérogative des régions (sujets de la Fédération), avec pour objectif de créer une norme nationale unifiée de prise en charge des combattants, indépendamment de leur lieu de résidence.

Ce classement est d’abord censé permettre d’identifier les « meilleures pratiques » dans le domaine de la numérisation du soutien aux militaires. Actuellement, plus de trois millions de citoyens russes ont déjà obtenu des « certificats de participation à l’opération militaire spéciale » sous forme électronique. Depuis mai 2025, le ministère de la Défense, conjointement avec le ministère du Développement numérique, met activement en œuvre un mécanisme de fourniture des avantages sociaux sans dépôt de demande, ce qui permet de réduire la bureaucratie et de rendre l’aide sociale plus accessible.

D’autre part, ce classement vise à éliminer les forts déséquilibres existant entre les territoires. En effet, le niveau de dotation budgétaire des sujets de la Fédération est très variable. Les grandes régions bien dotées, telles que Moscou, peuvent se permettre de soutenir non seulement leurs propres combattants, mais aussi les combattants d’autres régions. L’efficacité, et non le montant des ressources allouées, deviendra le critère principal du classement. L’attention sera portée sur le degré de perfectionnement du mécanisme de fourniture d’aide sociale ainsi que sur la manière dont les citoyens le perçoivent (au sens propre comme au sens figuré). En sorte que cette initiative est censée stimuler une concurrence saine entre les régions.

Enfin, ce classement fixe non seulement des repères, mais entend créer un « espace de partage des expériences ». Les solutions réussies mises en œuvre dans certains sujets de la Fédération peuvent être rapidement adaptées dans d’autres. Il s’agit de privilégier la mise en œuvre des « meilleures pratiques » en matière de services numériques ou de programmes régionaux de réhabilitation, d’aide matérielle et psychologique. Pour reprendre les termes du communiqué du ministère de la Défense : « Tandis que, sur le front, les combattants font preuve de courage et de dévouement, l’arrière doit tout faire pour mettre en œuvre un système d’accompagnement maximalement accessible à tous, compréhensible, pratique et équitable pour les combattants et leurs familles ». Poursuivant : « L’établissement d’un classement régional [en matière d’aide sociale aux combattants et à leurs familles] représente une étape importante dans la construction d’un modèle moderne d’interaction entre l’État et le citoyen, un modèle dans lequel les technologies numériques sont employées au service de l’humain et où les efforts administratifs se concentrent sur la transparence et l’efficacité ».