Boris Eltsine, fiche biographique

Boris Eltsine jeune

 

Président de la Fédération de Russie (12 juin 1991 – 31 décembre 1999). Né le 1er février 1931 dans un village de la région de Sverdlovsk (Oural) d’un père ouvrier dans le secteur de la construction, Boris Nikolaïevitch Eltsine est décédé à Moscou le 23 avril 2007. Diplômé de l’Institut polytechnique de l’Oural, il entre au PCUS en 1961. En 1964, il est nommé à la tête du combinat de la construction des logements de la ville de Sverdlovsk (aujourd’hui Ekaterinbourg). En 1968, il est promu responsable du secteur de la construction du comité régional du parti de Sverdlovsk. En 1976, il accède à la fonction de premier secrétaire du parti de la région de Sverdlovsk. En 1981, il est élu membre du Comité central lors du XXVIème Congrès du PCUS. Après l’élection de Mikhaïl Gorbatchev à la tête du PCUS (mars 1985), il est promu responsable du secteur de la construction au sein du Comité central (juin 1985), puis premier secrétaire du comité du parti de la ville de Moscou (décembre 1985), devenant l’un des plus puissants « barons » régionaux de l’URSS. Eltsine fait partie de la « cohorte » des responsables de la nouvelle génération promue par Gorbatchev, qui ont pour trait commun d’être des hommes d’appareil qui ne sont pas seulement des « bureaucrates », mais qui sont aussi dotés de compétences techniques et qui ont, pour nombre d’entre eux, exercé des responsabilités à la tête d’une grande entreprise ou d’une branche de l’économie. Toutefois, lors de la réunion plénière du Comité central du PCUS d’octobre 1987, Boris Eltsine s’oppose de manière frontale à Gorbatchev et au Bureau politique du Comité central du PCUS, instance suprême du parti, auxquels il reproche de ne pas mener le train des réformes avec suffisamment de diligence. Cette prise de parole provoque son limogeage presque immédiat de la direction du parti de la capitale. Profitant de la glasnost’ (voir « Perestroïka »), il entreprend une carrière politique largement fondée sur son éviction des cénacles suprêmes du pouvoir. Jouant habilement de l’ostracisme dont il est la victime, cet homme, qui a pourtant gravi toutes les échelons de l’appareil du parti, se livre à une véritable croisade contre les privilèges matériels d’une nomenklatoura dont il est le plus pur produit ! Il en recueille rapidement les dividendes en termes de popularité. Cet apparatchik, dont la trajectoire est très similaire à celle de Gorbatchev, se fait le porte-étendard des forces démocrates réunies au sein de la coalition Russie démocratique. Élu député du Congrès des députés du peuple de l’URSS (1989), puis député du Soviet suprême de la RSFSR (1990), il est élu Président de cette dernière instance en juin 1990. Le 12 juin 1991, Boris Eltsine est élu Président de la Russie au suffrage universel direct, devenant le premier chef d’Etat élu au suffrage universel de toute l’histoire de la Russie. Pourvu d’une légitimité démocratique qui fera toujours défaut à son adversaire politique principal d’alors, Mikhaïl Gorbatchev, Boris Eltsine joue un rôle décisif en août 1991, au moment du putsch contre ce dernier. Il se fait obéir des forces armées, qui n’obtempèrent pas aux ordres des putschistes (parmi lesquels figurent pourtant le Ministre de l’Intérieur et le chef du KGB !), et prend la tête de la « résistance » opposée à un retour en arrière vers le passé soviétique.

 

 

Dans ce tournant décisif de l’histoire politique de la Russie, Eltsine a non seulement remporté une victoire contre les putschistes, mais également marqué un point décisif contre Gorbatchev qui, littéralement « sauvé » par Eltsine, se voit privé du peu de légitimité qui lui restait et, rapidement, se voit dépossédé de tous ses pouvoirs. Le 21 août 1991, Boris Eltsine dissout par décret les organisations du parti sur le territoire de la Russie. La colonne vertébrale du système politique de l’URSS est irrémédiablement touchée. Après la dislocation de l’URSS en décembre 1991, Eltsine entre en conflit avec le Soviet suprême qui, en 1990, l’avait porté au pouvoir. Le Parlement russe s’oppose aux réformes économiques lancées par l’exécutif en janvier 1992, qui visaient à instaurer une économie de marché par le biais d’une « thérapie de choc ». Le conflit qui oppose le Président et le Soviet suprême et qui constitue une entrave au processus législatif qui doit accompagner les réformes dans tous les domaines – on parle alors d’une véritable dyarchie – atteint son paroxysme en octobre 1993. Passant outre les dispositions constitutionnelles, qui ne lui conféraient en rien une telle prérogative, le Président prononce la dissolution du Soviet suprême et ordonne la dispersion par la force des députés qui, opposés à cette dissolution, s’étaient retranchés dans l’enceinte de l’assemblée, dans le bâtiment de la « Maison blanche », à Moscou, aujourd’hui le siège du gouvernement.

 

 

 

Ce coup de force présidentiel, qui se solde par la mort de 160 personnes à Moscou, est qualifié de coup d’Etat par les opposants communiste et nationaliste. Il a permis une rupture institutionnelle claire et définitive avec le passé soviétique. Le 12 décembre 1993, une nouvelle Constitution est adoptée par référendum. Le système politique russe post-soviétique est porté sur les fonts baptismaux. Boris Eltsine est réélu à la présidence en juillet 1996, lors du second tour d’un scrutin où toute l’élite, ou presque, s’était rassemblée autour de lui contre son principal adversaire, le chef du parti communiste (PCFR), Guennadi Ziouganov, qui était présenté comme le candidat du « retour en arrière ». Le pacte conclu par Boris Eltsine avec les principaux oligarques est alors apparu au grand jour. Boris Eltsine étant très affaibli par des problèmes de santé nombreux et répétés, son entourage, surnommé « la famille », exerce une influence décisive au cours de son second mandat. L’oligarque Boris Berezovski, Anatoli Tchoubaïs, ministre de l’économie et des finances et chef d’orchestre des privatisations des années 1990, ou encore la fille du Président, Tatiana Diatchenko sont alors les « régents » considérés comme les plus influents. Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine annonce en direct à la télévision sa démission en faveur du Premier ministre, Vladimir Poutine. A compter de cette date et jusqu’à sa mort, Boris Eltsine disparaît presque totalement de la scène publique, russe comme internationale.

 

Article paru dans le Dictionnaire de la Russie, Paris, Larousse, 2008.